Concevoir une vie d'architecte durable
- gpcoachinglab
- 17 sept.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 sept.

En architecture, nous prônons la durabilité à chaque étape. Nous concevons des bâtiments à haute performance énergétique, spécifions des matériaux recyclés et imaginons des espaces faits pour durer des générations. Nos présentations regorgent d’analyses de cycle de vie, de calculs d’empreinte carbone et de promesses de résilience.
Et pourtant — alors que nous planifions avec minutie la longévité de nos bâtiments, nous négligeons souvent la durabilité de nos propres carrières et de notre bien-être.
Imaginez : un architecte travaille jusqu’à 22 heures pour peaufiner un immeuble de bureaux à énergie nette zéro, soutenu par son cinquième café de la journée. Il n’a pas passé de temps avec ses proches depuis des jours. Son dos souffre d’être penché sur des plans. Il ne se souvient plus de son dernier vrai repas — ni de sa dernière nuit de sommeil complète.
Pendant ce temps, son projet vante le bien-être des futurs occupants : espaces de travail flexibles, lumière naturelle abondante, zones vertes réparatrices.
C’est le paradoxe de l’architecte dans sa forme la plus crue.
Le coût de carrières non durables
Nous appliquons aux bâtiments des principes rigoureux de durabilité — robustesse, efficacité, bien-être des occupants — mais nous traitons nos vies professionnelles comme des ressources jetables.
Nous optimisons les systèmes des bâtiments tandis que nos propres systèmes s’effondrent sous des charges de travail intenables.
Nous travaillons souvent de longues heures sous une pression immense.Les délais, les exigences des clients, la concurrence et la quête de perfection poussent nombre d’entre nous à sacrifier repos, relations et santé.Ironiquement, alors que nous planifions soigneusement la durabilité de nos édifices, nous oublions d’appliquer ces mêmes principes à nos vies.
Le surmenage, le stress et l’épuisement diminuent créativité et innovation — les qualités mêmes dont nous avons besoin pour construire un monde plus durable.
Cette contradiction — que j’ai déjà appelée le paradoxe de l’architecte — n’est pas seulement malsaine, elle est contre-productive.
Pourquoi cela compte
L’ironie est encore plus forte si l’on considère que nos meilleures conceptions durables naissent d’un esprit clair, d’une résolution créative des problèmes et d’une collaboration inspirée — autant de capacités qui disparaissent lorsque nous fonctionnons à vide.
Les statistiques sont éloquentes : l’architecture figure régulièrement parmi les professions les plus stressantes, avec des taux de burn-out qui alarmeraient n’importe quel consultant en durabilité.
Nous faisons face à :
- Un surmenage chronique déguisé en dévouement. La durabilité humaine est aussi essentielle que la durabilité environnementale. Une profession florissante a besoin d’architectes compétents, mais aussi sains, épanouis et inspirés. 
- Des crises de santé mentale masquées sous la “passion du métier”. La profession risque de perdre des talents : l’épuisement mène au désenchantement. Le fort turnover gaspille des années de formation et d’expérience, et la stagnation créative découle de l’épuisement, non de l’inspiration. 
- Des professionnels résilients, nécessaires à la société et aux clients. Tout comme les bâtiments doivent résister au temps et aux pressions, les architectes doivent cultiver leur propre résilience personnelle et professionnelle. 
Vers des vies d'architecte plus durables
La véritable durabilité en architecture doit inclure les architectes eux-mêmes. De la même façon que nous concevons des bâtiments performants sur des décennies, nous devons imaginer des carrières et des vies d'architectes durables et des cultures capables de prospérer sur le long terme.
Alors, comment combler le fossé entre ce que nous prêchons et ce que nous pratiquons ?Voici quelques pistes :
- Repenser la “productivité”. La productivité ne se mesure pas aux longues heures, et de longues heures n’assurent pas un meilleur design. La qualité vient d’esprits reposés et équilibrés, capables de travailler avec clarté et efficacité. 
- Poser des limites. Des horaires et disponibilités clairement définis protègent le bien-être et renforcent l’efficacité. Mais la capacité à fixer ces limites découle de la même clarté et efficacité évoquées plus haut. 
- Cultiver des réseaux de soutien. Communautés de pairs, mentorat, coaching et pratiques collaboratives réduisent l’isolement, permettent de partager la charge et favorisent une pratique plus équilibrée. 
- Plaider pour un changement systémique. Les agences, associations et institutions doivent donner la priorité à des cultures de travail plus saines. La conception durable doit aussi s’appliquer à nos carrières et à nos environnements de travail. Le changement global est difficile, mais des actions individuelles peuvent amorcer une transformation. 
- Se prendre soin de soi. Repos, loisirs, exercice et temps passé avec ses proches ne sont pas des luxes — ce sont des conditions essentielles à une créativité durable. 
Le bâtiment le plus durable du monde perd son sens si l’architecte qui l’a conçu s’épuise ou quitte la profession.
Le carrefour de la profession
Nous sommes à un tournant.
Nous pouvons poursuivre ce paradoxe — concevoir des futurs durables tout en épuisant les talents nécessaires à leur réalisation — ou mettre nos compétences de conception au service du projet le plus important : créer une profession où nos bâtiments et nos architectes peuvent s’épanouir.
L’avenir de l’architecture durable ne repose pas seulement sur les certifications ou la neutralité carbone.Il dépend d’architectes en bonne santé, inspirés et prêts à durer.
Il est temps de concevoir aussi cette durabilité-là.
Cet article est le premier d’une série de cinq, chacun explorant une étape clé vers une vie professionnelle plus équilibrée et plus durable. À suivre.




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